Mort de Just Fontaine, légende du foot français

Le recordman des buts marqués dans une seule Coupe du monde est décédé à l’âge de 89 ans. En 1958 en Suède, Just Fontaine en avait marqué treize. Personne n’a jamais fait mieux. Dans les années 1970, l’ancien buteur fut aussi l’entraîneur du PSG qui est monté en première division.

    Just Fontaine est mort dans la nuit de mardi à mercredi à l’âge de 89 ans, à Toulouse. Le recordman mondial des buts inscrit dans une Coupe du monde (13) racontait cette anecdote, comme une pirouette pour éviter de répondre à la question qu’on lui a posé chaque jour de sa vie pendant plus de 65 ans : « Votre record sera-t-il battu ? » A ça, Just Fontaine trouvait une parade en souriant : « Nous sommes en l’an 4000 après JC. Des archéologues découvrent une momie. Elle bouge : l’homme à l’intérieur est toujours vivant. C’est incroyable ! Quand la momie est enfin libérée, la première chose qu’elle demande : Le record de buts marqués en Coupe du monde de Just Fontaine a-t-il été enfin battu ? Dans 2000 ans, si on joue encore au foot, il est fort possible qu’on pose encore cette question. Et il est probable que la réponse soit « non, toujours pas ».

    Car oui, il y a au moins un record que même Kylian Mbappé ne battra sans doute jamais. Le nombre de buts inscrits dans une seule et même Coupe du monde. Le prodige de Bondy en a marqué huit lors du Mondial au Qatar en 2022, ce qui est tout à fait remarquable.

    Mais un joueur a fait mieux, beaucoup mieux et il est au panthéon. Pour l’éternité, ce joueur est français. Pendant la Coupe du monde en Suède en 1958, celle qui a consacré un jeune Brésilien nommé Pelé, il a marqué 13 buts. Treize buts dans un seul Mondial, personne n’a jamais fait mieux. Avec le temps, Fontaine n’est plus le recordman des buts marqués en Coupes du monde au pluriel. Mais sur une seule édition, il le reste. Son record tient depuis 65 ans et il fait partie de ceux qui semblent imbattables. Ils sont rares dans le sport.

    Just Fontaine, Raymond Kopa et Roger Piantoni lors de la saison 1959-1960 à l’époque du grand Stade de Reims.
    Just Fontaine, Raymond Kopa et Roger Piantoni lors de la saison 1959-1960 à l’époque du grand Stade de Reims. Presse Sports

    L’auteur de cet exploit sans précédent s’appelait donc Just Fontaine. « On m’a toujours résumé à ce record, confiait-il. Moi pourtant, je ne l’évoquais jamais mais on m’en parlait tout le temps. »

    Une carrière trop tôt stoppée à l’âge de 28 ans

    Ça le chagrinait qu’on oublie quel attaquant remarquable il était. Car il n’a pas été que le joueur d’un seul tournoi l’année de la naissance de la Ve République. En seulement 21 sélections d’une carrière trop tôt stoppée à l’âge de 28 ans en raison d’une grave blessure, l’ancien Rémois a marqué 30 buts en Bleu. Faites le calcul : c’est presque 1,5 but par match. C’est énorme.

    « Je n’étais pas le plus rapide ni le meilleur joueur de tête, mais j’ai eu de la chance. J’ai joué au basket dans ma jeunesse et il n’y avait rien de mieux pour se démarquer » confiait-il. « Seulement vous savez, grognait-il aussi, mon record de la Coupe du monde, je l’aurais bien échangé pour une chose : jouer plus longtemps car le foot était ma passion. J’ai dû hélas arrêter à cause d’une double fracture tibia péroné. »

    À cette époque, on ne soignait pas les traumatismes : une blessure grave et c’était terminé. Dans les années 1950, sauf si on s’appelait Raymond Kopa que Just Fontaine considérait comme son frère, on ne partait pas non plus jouer à l’étranger. Just Fontaine n’a jamais porté les couleurs d’un grand club comme Kopa avec le Real. Il avait bien failli rejoindre Botafogo et Garrincha le magicien auriverde au Brésil, mais l’affaire ne s’est pas faite, au dernier moment.

    L’enfant de Marrakech repéré par l’entraîneur de l’OGC Nice

    Les destins tiennent à rien. Celui de Just Fontaine est de ceux-là. Dans un autre siècle, il aurait pu ne jamais porter le maillot de l’équipe de France qu’il a honoré à 21 reprises de 1953 à 1960. Il est né à Marrakech un jour d’été 1933. À ce moment-là, le Maroc est un protectorat français et durant toute sa vie, « Justo » a eu la double nationalité. Aujourd’hui encore, une plaque sur sa maison natale rappelle qui a vu le jour dans ses murs.

    Fontaine est un enfant du monde, fruit de l’amour d’un père français ouvrier dans une régie de tabac et d’une mère espagnole qui a eu sept enfants. Le gamin du quartier de Guéliz découvre le ballon rond chez lui à Marrakech et il se nourrit des exploits de deux plus grands joueurs nord-africains de cette époque : Larbi Benbarek et Mario Zatelli, le futur entraîneur marseillais. C’est lui d’ailleurs qui est le premier à remarquer les qualités du petit « Justo », un surnom donné par sa mère. En 1953, Zatelli est l’entraîneur de l’OGC Nice et il fait traverser la Méditerranée à un jeune homme de 20 ans qui fait encore les beaux jours de l’US Marocaine à Casablanca.

    Cette même année 1953, le 17 décembre, Fontaine est sélectionné en équipe de France. Les Bleus affrontent le Luxembourg, gagnent 8-0 et Just Fontaine réussit un triplé. Cette première sélection reste néanmoins sans lendemain. L’équipe de France qui participe à la Coupe du monde en Suisse en 1954 s’envole sans lui. À la place, il part faire son service militaire. Les « événements » en Algérie, comme on les appelle pudiquement, viennent de commencer. Le footballeur n’échappe pas aux 30 mois de réquisition.

    « Je suis le seul entraîneur qui peut dire qu’il a fait monter le PSG »

    Entre deux saluts au drapeau, Fontaine porte quand même les couleurs de Nice et ouvre son palmarès avec une Coupe de France (1954) et un titre de champion (1956). Il rejoint le Stade de Reims, le fameux en 1956 au moment où l’équipe de France se rappelle à son bon souvenir. Il étoffe son palmarès en remportant trois nouveaux titres de champion de France (1968, 1960, 1962), une Coupe de France. Il dispute aussi la finale de ce qui deviendra bien plus tard la Ligue des champions contre le Real en 1959.

    Just Fontaine avait dirigé Johan Cruyff lors d'un tournoi amical quand la star néerlandaise avait fait une pige pour le PSG.
    Just Fontaine avait dirigé Johan Cruyff lors d'un tournoi amical quand la star néerlandaise avait fait une pige pour le PSG. DR

    Après sa blessure, Just Fontaine ne peut pas quitter le milieu du foot. Sorti major de sa promotion en 1962, il embrasse la fonction d’entraîneur. Ses pairs le jugent, hélas, trop jeune et rares sont les propositions. On lui offre quand même un cadeau empoisonné : l’équipe de France. Il est un éphémère sélectionneur le temps de deux matchs seulement en 1967. « Je n’étais pas payé donc c’était facile de me virer après deux défaites », se moquait-il. Il sera aussi celui du Maroc à la fin des années 1970.

    Pendant trois ans de 1973 à 1976, Just est surtout l’entraîneur d’un tout jeune club : le Paris Saint-Germain. « J’ai fait monter le club en première division en 1974 et je suis le seul entraîneur qui peut dire qu’il a fait monter le PSG puisque depuis, il n’est jamais redescendu », rigolait-il. Il est renvoyé parce que les dirigeants de l’époque lui reprochent sa trop grande proximité avec les joueurs : « Je jouais aux cartes avec eux. Ça ne plaisait pas. Une carrière ne tient pas à grand-chose », répétait-il. Pour lui, elle a tenu à 13 buts marqués en Coupe du monde.